Habib Bourguiba

Bourguiba tu nous manques !
Carthage, Tunisie
5 décembre 2015 et 20 mars 2021

C'est un autre hommage posthume à notre Zaïm Bourguiba, père de la nation tunisienne et artisan de sa modernité.

Je n'oublierai jamais lorsque j'ai vécu à Stockholm en Suède, durant une visite de courtoisie au siège du Parti social-démocrate, sur invitation d'un membre du bureau politique, à l'époque où son parti était au pouvoir. J'étais chaleureusement bien accueilli et bien guidé dans ma visite ! Et, lorsque nous sommes arrivés à un coin bien particulier, mon hôte me montre une chaise de bureau dans un style ancien fort beau, et il me dit fièrement : c'est sur cette chaise qu'il s'était assis Bourguiba pour signer notre Livre d'or, durant sa visite en tant que militant pour l'indépendance de la Tunisie dans les années cinquante. À cette époque, on savait pas qu'un jour il va devenir le premier président de la République Tunisienne, mais on le respectait déjà beaucoup et on l'adorait pour ses idées nobles et sa pensée avant-gardiste. Voilà, pourquoi nous conservons aujourd'hui cette mémorable chaise comme un objet d'art qui fait partie de notre histoire. J'étais tellement fier et ému que j'avais les larmes aux yeux ! Et je connais une dizaine d'autres témoignages émouvants qui m'ont été racontés par des gens sérieux de différentes nationalités, en Europe et au Canada, sur le respect et l'admiration de Bourguiba.

Né le 3 août 1903 à Monastir, Habib Bourguiba est le fils d’un officier de la garde beylicale de Tunis. Il est le plus jeune de huit enfants issus d’une famille de classe moyenne. Son père et sa mère souhaitent qu’il reçoive une instruction moderne comme ses aînés. Envoyé à Tunis à l’âge de cinq ans auprès de son frère aîné, il effectue ses études primaires à l’école sadikienne, ensuite ses études secondaires au prestigieux Collège Sadiki puis au Lycée Carnot.

En 1924, muni d'un baccalauréat, il s’inscrit à la Sorbonne, et il obtient respectivement une licence en droit et le diplôme supérieur d’études politiques de l’École libre des sciences politiques en 1927. C'est à Paris, qu’il rencontre sa première femme Mathilde Lefras qui lui donne un fils, Habib Bourguiba Jr. Il rentre ensuite à Tunis pour exercer le métier d’avocat. Parallèlement à ses activités professionnelles, Il se lance rapidement dans des activités politiques en rejoignant les rangs du Parti Destourien qui milite en faveur de l’indépendance du pays. Il collabore également au journal L’Etendard tunisien, et il fonde ensuite L’Action tunisienne, un journal nationaliste prônant la laïcité. En 1934, mécontent de la politique du vieux parti Destour, Habib Bourguiba fonde le Néo-Destour, un parti moderniste dont l'objectif est de libérer le peuple tunisien du protectorat français.

En 1939, Bourguiba et ses compagnons sont inculpés pour conspiration contre la sûreté de l’État et incitation à la guerre civile. Ils sont ensuite transférés vers le pénitencier de Téboursouk. Mais, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Bourguiba est transféré au Fort Saint-Nicolas de Marseille. Déjà convaincu de l’issue de la guerre, il écrit, le 10 août 1942, à Habib Thameur, alors président par intérim du parti, pour définir sa position qui doit être transmise à toute la population et à ses militants : « L’Allemagne ne gagnera pas la guerre et ne peut la gagner. Entre les colosses russe et anglo-saxon, qui tiennent les mers et dont les possibilités industrielles sont infinies, l’Allemagne sera broyée comme dans les mâchoires d’un étau irrésistible [...] L’ordre vous est donné, à vous et aux militants, d’entrer en relation avec les Français gaullistes en vue de conjuguer notre action clandestine [...] Notre soutien doit être inconditionnel. C’est une question de vie ou de mort pour la Tunisie. ».

Libéré en 1943, Bourguiba continue la résistance et à défier l'occupation française. Il est à nouveau arrêté et éloigné dans le Sud tunisien en 1952, puis à Tabarka et La Galite où il passe deux années en exil intérieur. Et, en 1954, il est transféré sur l’île de Groix. Suite à l'arrivé au pouvoir en France en 1954, Pierre Mendès France effectue une visite surprise à Tunis et prononce son fameux discours du 31 juillet dans lequel il annonce que son gouvernement reconnaît unilatéralement l’autonomie interne de la Tunisie. Le 1er juin 1955, Bourguiba rentre triomphalement en Tunisie, juste après la signature des conventions franco-tunisiennes reconnaissant l’autonomie interne du pays. Quelques mois plus tard, le gouvernement tunisien engage des pourparlers qui s’achèvent par la signature, le 20 mars 1956, du protocole consacrant l’indépendance à la Tunisie. Bourguiba est chargé de former le premier gouvernement de la Tunisie indépendante. Après avoir été Premier ministre de Lamine Bey, il décide d’évincer le souverain et de proclamer le régime républicain le 25 juillet 1957. Il en est désigné président avant d’être largement élu le 8 novembre 1959. Ensuite, les réformes se succèdent pour mettre en place un État moderne, parachever la souveraineté nationale et moderniser la société à travers la propagation de l’enseignement et la promulgation du Code du statut personnel. Bourguiba dirige la Tunisie de 1957 à 1987. Trente ans de pouvoir pour le développement de son pays et une lutte sans répit contre l'obscurantisme. Bourguiba est mort le 6 avril 2000 à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans, mais le Bourguibisme ne mourra jamais !

Un hommage que je trouve surprenant est celui de Charles de Gaulle dans ses « Mémoires d'espoir », car malgré la guerre de Bizerte, le Général a été très sincère à l'égard de notre Zaïm : « un lutteur, un politique, un Chef d'État dont l'envergure et l'ambition dépassent les dimensions de son pays », ajoutant, par ailleurs, qu'il a quelque chose de commun avec Bourguiba, « le courage de prendre des rendez-vous avec l'Histoire ». La ville de Paris a également rendu hommage à Bourguiba en 2004 en lui dédiant l’une de ses places les plus prestigieuses sur le Quai d’Orsay, désormais baptisée « Esplanade Habib Bourguiba ». Et en 2013, en organisant une cérémonie de dévoilement du buste du leader tunisien, à l'initiative de l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë.

À vrai dire, les hommages et les témoignages ne manquent pas pour nous éclairer sur ce président exceptionnel, provenant de personnalités dignes de confiance. Pour John Fitzgerald Kennedy, il est « l'homme qui a suscité l'admiration universelle». Quant à Robert Murphy, représentant personnel du président Eisenhower en 1958 a déclaré ceci : « Vous pouvez être en désaccord avec Bourguiba, mais, il vous est impossible de douter de la profonde sincérité de ses opinions et de son jugement ». Sans oublier qu'en 1976, le Sénat Américain a adopté une résolution proclamant que Bourguiba « doit être honoré pour son sage et courageux leadership de la Tunisie pendant deux décennies ». Du côté du Monde arabe, même Jamal Abdennasser qui s'est comporté à un moment donné en adversaire déclaré, a fini par accepter la stratégie politique du leader Habib Bourguiba. D'ailleurs, à la fin de sa vie, Abdennasser a confié : « C'est le vrai ami; il est le seul à m'avoir dit la vérité ».

Il y a quelques mois, un nouveau livre a été publié sur le Zaïm sous le titre « Bourguiba », par Bertrand Le Gendre, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, dont voici un extrait : « Bouguiba a subjugué ses contemporains. L’un de ses anciens ministres, Ahmed Mestiri, parle de « magnétisme ». Un autre, Chedli Klibi, assure : « L’ascendant de Bourguiba était tel que même quand on n’était pas d’accord, on se taisait. Il exerçait sur nous une forme d’hypnose. » Un troisième, Driss Guiga, ajoute : « Même ses ennemis ont été marqués par lui. On était contre Bourguiba mais pas pour quelqu’un d’autre. » Ces témoignages tracent le portrait d’une personnalité hors du commun, dotée d’un authentique « charisme » au sens où l’entend le sociologue allemand Max Weber. Cet ascendant indiscuté l’a tôt désigné aux yeux de ses compagnons de lutte comme le « Combattant suprême », un honneur qui lui est resté.».

J'ai toujours aimé Bourguiba pour tout ce qu'il a fait du bien pour la Tunisie : gratuité de l’éducation et de la santé, progrès social, émancipation de la femme, relations cordiales avec l'occident, tolérance et respect des autres cultures. D'ailleurs, sur ce dernier point, lors d'une visite en France, Bourguiba a fait la déclaration suivante : « Nous avons su nous enrichir des apports berbères, phéniciens, vandales, arabes, andalous, espagnols, ottomans, italiens et français ». Donc, durant le gouvernement Bourguiba, c'est tout ça qui fait la singularité tunisienne : un pays arabe et musulman à la culture dotée d’une infinité de facettes, et ouvert aux autres cultures qui ont fait son identité.

Par Abdelhamid Hanafi

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Source : lemonde.fr, huffpostmaghreb.com, letemps.com.tn.
jeuneafrique.com, businessnews.com.tn, habib-bourguiba.net.

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Huile sur toile
30" x 36" (76cm x 91cm)

Collection : privée

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